Cyberespace : entre influence et propagande
À l’ère où le numérique est devenu incontournable, le cyberespace n’est plus seulement un terrain d’innovation technologique, c’est aussi une nouvelle scène géopolitique internationale où influence et propagande se mêlent. Dans ce contexte de “cyberguerre froide” opposant les plus grandes puissances de notre monde, les fake news, bots et deepfakes sont devenus de véritables armes à part entière.
Par exemple, en 2024, les services d’urgence ukrainiennes ont traité 4315 incidents, soit 69,8 % de plus que l’année précédente (décompte SSSCIP). Entre manipulation de l’opinion publique, actions de désinformation massives et diffusion de récits romancés, les États agissent dans l’ombre grâce à des armes utilisées par les cybercriminels.
L’objectif : rassembler autour de leurs intérêts en divisant leurs adversaires ou en contrôlant l’Histoire. Alors, comment se dessinent ces nouvelles lignes de front dans ce cyberespace ? Quelles techniques de cybersécurité sont les plus en vogue ? Faisons le point sur cette cyberguerre qui dessine plusieurs fronts numériques.
CYBERGUERRE FROIDE : DE NOUVELLES LIGNES DE FRONT NUMÉRIQUES
Le terme “cyberguerre froide” désigne la rivalité technologique et informationnelle entre grandes puissances. On pense surtout aux États-Unis, à la Russie ou encore à la Chine. Cette rivalité se manifeste différemment des conflits passés : la cyberguerre se fait sans affrontements armés directs.
C’est en 2007, en Estonie, que les premières cyberattaques entre nations se produisent. Elles sont attribuées à la Russie. Le pays est paralysé : sites gouvernementaux, organismes bancaires, infrastructures civiles bloquées…
Cet événement est vécu comme une véritable alerte pour les autres gouvernements. Désormais, les conflits peuvent se mener dans le cyberespace à travers de l’espionnage, du sabotage mais aussi une manipulation de l’information.
INFOGUERRE : ENTRE INFORMATION ET MANIPULATION
Appelée aussi “infoguerre”, la cyberguerre se manifeste comme une guerre de l’information. En quoi cela consiste-t-il réellement ? Il s’agit d’un subtile mélange :
- d’espionnage,
- de manipulation
- et diffusion maîtrisée de messages destinés à influencer ou démoraliser.
Cette formule magique porte même un surnom. Elle est appelée la technique du “firehose of falsehood”, dit la lance à incendie de mensonges en français. Pour résumer, cela consiste à inonder massivement les réseaux avec des messages contradictoires, incessants et répétés.
Cette stratégie est issue de la propagande soviétique, utilisée et réutilisée par le Kremlin depuis les conflits en Géorgie (2008) jusqu’aux conflits ukrainiens actuels.
FAKE NEWS, BOTS ET CAMPAGNES ORCHESTRÉES PAR LES ÉTATS
Les campagnes de désinformation menées par des puissances étrangères ne se limitent pas à quelques messages isolés : elles sont structurées, coordonnées et pensées pour durer. Chaque opération cherche à fragiliser l’adversaire en réduisant à néant la confiance dans ses institutions ou en orientant l’opinion publique.
Voici trois exemples marquants de campagnes de propagandes numériques de grande échelle :
Opération Doppelgänger (Russie)
Depuis 2022, cette campagne attribuée à Moscou consiste à créer des clones de médias européens réputés, diffusant de faux articles. Les liens sont ensuite relayés par des réseaux de bots et de faux profils sur les réseaux sociaux.
Dragonbridge (Chine)
Le collectif Dragonbridge, lié à Pékin, a été identifié par Google pour avoir diffusé des milliers de messages via de faux comptes sur YouTube, Twitter et Facebook. Ces contenus ciblaient directement des projets industriels occidentaux.
Internet Research Agency (Russie, élections américaines 2016)
Probablement l’un des cas les plus médiatisés : l’Internet Research Agency (IRA), une “ferme à trolls” basée à Saint-Pétersbourg, a mené une campagne massive lors de l’élection présidentielle américaine de 2016. Des milliers de comptes ont publié de faux contenus, en faveur de Donald Trump.
ROBOTS SOCIAUX ET DEEP FAKES : LE PHÉNOMÈNE DE L’AMPLIFICATION AUTOMATIQUE
Avec l’essor de la diffusion de l’information sur les réseaux sociaux, les « robots sociaux » (bots) et les deepfakes forment un duo redoutable pour démultiplier la portée de messages trompeurs :
- les bots publient, likent et repartagent à un rythme industriel. Ainsi, les algorithmes de recommandation le prennent pour un signal de popularité. Résultat : le contenu manipulé se fait une place de rêve dans les fils d’actualité.
- les deepfakes (voix clonées, visages synthétiques, vidéos truquées) ajoutent une couche de vraisemblance émotionnelle qui accélère l’engagement et, donc, l’exposition.
Ces deux révolutions associées sont puissantes pour amplifier rapidement et efficacement de fausses informations. Et l’histoire n’est certainement pas finie. L’Intelligence Artificielle (IA) accélère à grands pas. A coup sûr, elle contribuera à ce phénomène d’amplification automatique.
La cyberguerre froide, fondée sur l’influence numérique et la propagande, transforme le cyberespace en un champ de bataille difficilement repérable. Avec la démocratisation de l’IA, ce phénomène d’infoguerre risque de s’accélérer. Afin de protéger leur population, les États se mobilisent pour repérer et éviter les bots, fake news, et opérations coordonnées. Comprendre ces nouvelles dynamiques est essentiel pour renforcer les défenses informationnelles d’un pays.